L'application qui donne la réplique 🧞♂️
Assimilez vos textes en un rien de temps avec Imparato, l'application qui fait répéter les comédiens où, quand et comme ils le souhaitent.
Découvrir ImparatoJe fais du théâtre depuis 15 ans à Marseille mais je ne suis pas intermittent… alors qui suis-je, que suis-je ? Je suis tout simplement ce qu’on appelle un comédien amateur !
Je me permets de vous livrer un retour très personnel sur ces 15 années et mon rapport avec le théâtre. Que ce soit dans des « ateliers » – on les appelle aussi des « cours », mais je trouve que ce mot colle moins bien à la réalité – ou dans des initiatives plus personnelles comme la création d’une « troupe », je vais tenter de vous parler de ce que j’y ai vécu, ressenti et surtout partagé. Le partage… tiens, si je ne devais retenir qu’un seul mot, ce serait bien celui-là ! Pour moi, ces 15 années ont été un immense moment de partage. Comme un fil qui se serait tissé entre des Femmes et des Hommes : mes compagnons de jeu, les spectateurs, mais aussi toutes celles et ceux qui m’ont donné. Donné leur temps, leur passion, leurs encouragements, leur créativité, leur bienveillance… mais j’y reviendrai un peu plus loin. Pour moi, le théâtre a été (et est toujours d’ailleurs) un moyen de partager des sensations, du vécu, des émotions. Le théâtre me permet de me sentir plus Humain je crois.
Octobre 2004. Il y a un petit théâtre de quartier à 5 minutes de chez moi. Je me suis enfin décidé à les appeler. Justement, les cours pour adultes reprennent ce soir ! Bien sûr qu’il reste des places et en plus, le premier cours est gratuit ! Et me voilà, en chaussettes, sur la scène. Les exercices d’échauffement commencent. Je ressens les autres autour de moi, on est une petite dizaine. Il fait chaud sous les projecteurs. On s’est d’abord relaxé, puis maintenant la scène craque sous nos pieds pendant qu’on déambule joyeusement. J’entends Danièle (la « prof ») rire de bon cœur. Ce n’est pas une moquerie, juste un rire franc, vrai. On a joué, on a ressenti, on a parlé, on a rit… Voilà, je rentre. J’ai le cœur qui va exploser. J’ai du mal à analyser ce qui s’est passé et je vais avoir du mal aussi à trouver le sommeil. Je dois chercher un monologue pour la semaine prochaine. Oui, car il y aura une semaine prochaine, puis une suivante et ça fait maintenant 15 ans que ça dure.
Pour moi, le théâtre, c’est d’abord ces moments-là. Se retrouver, vivre, être soi, au milieu d’un groupe. Jouer ensemble. Oui, car il faut bien se l’avouer, quel plaisir immense que de jouer ! Je ne parle pas uniquement des représentations ou l’on joue devant un public, mais bien de ces moments où l’on s’exerce, où l’on se chauffe, où l’on essaye, où l’on tente.
Entre nous, en toute bienveillance, on explore tranquillement notre palette émotionnelle.
Ha ben tiens… la bienveillance justement. C’est le moment de l’évoquer. Pour moi c’est ni plus ni moins que l’Alpha et l’Omega de la discipline. Personne n’en parle jamais vraiment, mais je crois que c’est la valeur de base. Elle se prend, elle se donne, elle s’inspire, elle se transmet. Pour corser le tout, chacun a sa façon de la percevoir, de l’instiller, il suffit d’un rien pour qu’elle s’évapore mais il suffit d’un sourire pour qu’elle réapparaisse. C’est le fil qui tient tout le reste, un fil fin et fragile, mais un fil tellement important, voire vital. Un jour, j’ai stoppé net un projet car une des personnes avec qui je le partageais en manquait trop.
Dans un atelier de théâtre, il y a des moments forts et ces moments créent des rencontres. Un peu comme dans la vie, sauf que là, c’est du concentré. En une année d’atelier, vous allez passer au moins 60 heures avec votre « troupe ». Et puis, au delà des relations interpersonnelles, il y a les rencontres entre vos personnages. En seulement 2 heures d’atelier et l’espace d’un exercice, vous pouvez vous retrouver amant, puis grand-père de la même personne. Si vous préparez une pièce, vous allez vivre et revivre, maintes fois, la même situation, pour la travailler, pour peaufiner un geste, un regard ou une intention. Ce sont des moments de connexion intenses. Pour ma part, ces moments m’enrichissent en émotions et en échanges.
Et puis il y a le corps. Poser son corps dans un espace, comprendre, par exemple, ce qui le rend fort ou ce qui l’affaiblit. J’ai mis longtemps avant d’arriver à « poser mon corps sur mes pieds », dans une vraie stabilité et à puiser une force dans cet équilibre. J’ai mis longtemps à comprendre qu’on pouvait utiliser son corps pour s’exprimer et que ça pouvait être équivalent, voire plus puissant qu’une parole. La première fois que je suis monté sur scène devant un public, après seulement quelques semaines d’atelier, c’était pour interpréter Estragon dans un extrait de En attendant Godot de Samuel Beckett. Malgré tous mes efforts, je ne suis pas parvenu à rentrer dans le personnage je crois. Je ne sais pas si j’y arriverais mieux maintenant, mais je sais que j’aborderais certainement le personnage différemment, en commençant par son corps pour ressentir sa lassitude, sentir le froid et ce, avant toute chose et surtout avant toute parole.
Il y a son corps, mais il y a le corps de l’Autre également. Entrer en contact et accepter le contact. Cela peut sembler naturel pour certains ou nécessiter un apprentissage pour d’autres. Quoi qu’il en soit, c’est encore une façon de partager un peu d’Humanité.
J’ai une culture théâtrale plutôt moyenne voire faible en ce qui concerne les œuvres et les auteurs classiques. Pour tout vous dire, je ressens une profonde paresse lorsqu’il s’agit de « lire » du théâtre. J’ai un mal fou à rentrer, seul, sans guide, dans une œuvre. Les mots lus me paraissent toujours sonner faux et creux. En revanche rien ne me plait plus que de « vivre le texte ». Que ce soit un texte classique ou une comédie contemporaine, si je dois jouer un personnage et si ce personnage présente ne serait-ce qu’un tout petit challenge, alors j’ai envie de le comprendre, j’ai envie de le connaitre. Et cette envie m’amène généralement jusqu’à l’auteur, son histoire, son œuvre… Le point de départ étant toujours le personnage. Bref. Tout ça pour vous dire que, à l’inverse d’un roman qui est une œuvre faite pour être lue, je n’apprécie le théâtre que parce qu’il s’agit d’un texte prêt-à-jouer. Et c’est le jeu qui m’intéresse dans ce cas, plus que la lecture ou même plus qu’être spectateur.
Alors voilà, pour moi, le théâtre ce n’est pas une bibliothèque de textes bien remplie, mais c’est avant tout une collection de sensations, de vécus, de ressentis… ceux des personnages que j’ai incarné tout au long de ces années. J’ai eu la chance d’incarner Bernard dans Cravate-Club de Fabrice Roger-Lacan, mis en scène par Dominique Noé. Ce fut une expérience unique de plonger dans ce personnage et de ressentir jusqu’à son mal-être. Je l’ai aimé autant que détesté, mais il m’en reste, même après des années, la sensation diffuse d’avoir incarné le personnage qu’avait voulu l’auteur. Jamais je n’aurais fait ce voyage si je m’étais arrêté à la lecture. Le théâtre, c’est aussi ça pour moi, l’impérieuse nécessité d’incarner.
Monter et jouer sur scène, devant un public est une aventure à part entière. Dans la plupart des cas, il s’agit de présenter au public le résultat d’un atelier, la représentation en public constitue donc une sorte d’aboutissement. Cependant, les moments en atelier et les moments sur scène ne sont, à mon avis, pas comparables. La Scène possède quelque chose de plus. Pour moi, elle est comme un animal sauvage. On peut la connaitre et l’avoir fréquentée souvent, on ne la dompte jamais vraiment. Chaque représentation vous ramène au pied du mur. Quand le rideau s’ouvre, il vous faut Être de nouveau, ressentir de nouveau, revivre de nouveau. Bref, il faut de nouveau convaincre. Que la veille ait été un succès ou un ratage, vous êtes face à un nouveau départ. Tel un Sisyphe de la scène, vous êtes condamné à revivre et à faire revivre une histoire devant des yeux et des esprits vierges. Et à chaque fois, vous prenez les mêmes risques : l’erreur de texte, l’accessoire oublié, une musique qui ne part pas etc etc… Je me souviens de ma première apparition sur scène, dans Godot. Ce fut terrible. Le stress m’étranglait. Mon esprit était en ébullition. Je ne sentais plus mes jambes, j’étais comme anesthésié. Alors que j’aurais dû « être » Estragon, je me voyais « faire semblant d’être » Estragon. Ce jour là, l’animal m’a surpris. Je ne l’imaginais pas si puissant, si intimidant. J’ai, depuis, appris à le craindre moins, voire à l’attendre et à le retrouver avec plaisir. Je sais qu’il peut, de sa patte puissante, tout anéantir, mais je sais aussi qu’il peut nous emmener, toute la troupe, très loin et très haut.
Bien entendu, les moments qui précèdent le début d’un spectacle sont des moments également uniques et très forts. Ils scellent à jamais l’esprit d’un groupe, d’une troupe. Chacun vit la montée de son stress à sa façon tantôt replié, tantôt exagérément ouvert vers les autres. Chaque comédien revêt religieusement le costume de son personnage. On croise des gens qui marmonnent seuls, d’autres s’échauffent. On vient nous prévenir que ça va démarrer, le temps s’arrête. La salle se fait silencieuse, doucement. Dans mes entrailles se réveille un serpent aux ondulations douloureuses. La lumière jaillit. Ça commence.
Tout au long du spectacle, les comédiens entrent et sortent de scène. Une fois à l’abri dans les coulisses, ils font tout pour garder leur énergie, comme une flamme que l’on protégerait du vent, avant de replonger.
La pièce se termine, les saluts sont passés et toute la troupe se retrouve dans le joyeux bordel que sont devenues les coulisses. On enfile rapidement de quoi se montrer en on sort à la rencontre des amis et des proches qui avaient, il y a encore quelques minutes, le statut de spectateur. C’est toujours une sensation étrange quand, revenu à soi et sorti de son personnage, on va à la rencontre des yeux qui vous ont vu sur scène. Il me semble lire souvent de l’envie. Envie bien facile à combler pour le coup, car il suffit de s’inscrire à un atelier. Je crois d’ailleurs qu’il y a une spécificité dans le spectacle amateur. En effet, les gens qui sont sur scène sont les même que les gens qui sont dans la salle. Ils appartiennent au même monde, ont les mêmes codes, les mêmes doutes, les mêmes rêves, les mêmes vies. Je crois que chez les « amateurs » il y a une proximité différente entre le public et les comédiens, qu’on ne retrouve pas forcément dans un spectacle professionnel, de vrais « saltimbanques ». En tous cas, c’est ce que je ressens. Comme si les « amateurs » étaient de plain-pied avec leur public et que, du choix du texte à leur besoin de jouer, ils exprimaient une espérance raisonnable que le public s’y retrouve.
Les ateliers d’amateurs offrent un cadre idyllique. L’atelier, pourvu de son metteur en scène (le ‘ prof ‘) vous offre une salle pour répéter, un programme de cours, un rythme bien établi, un texte à répéter et également une salle pour le spectacle de fin d’année. Si vous avez envie de sortir de ce cadre, il vous faudra trouver un metteur en scène, une salle pour les répétitions, des lieux pour vous produire et, éventuellement, créer une association pour que tout ça ait une existence légale (assurances, facturation, défraiements…) Mais ne vous leurrez pas car au fond, le plus difficile sera certainement de trouver un groupe suffisamment motivé pour tenir sur la longueur du projet. En effet, pour « monter » une pièce, il faudra compter de longs mois de travail – entre 4 et 9 mois voire plus-. Il faudra jongler entre les agendas de chacun, remplis de congés et de contraintes personnelles et professionnelles. Il faudra trouver un lieu, négocier éventuellement un accord avec la salle, faire votre pub etc etc… J’ai tenté 4 fois de monter un projet en dehors d’un atelier. 2 sont morts-nés, essentiellement pour des raisons de « motivation des troupes ». Un a vu la troupe littéralement imploser : après prés de 50 représentations, les objectifs avaient divergé et les énergies s’étaient taries. Le dernier s’est arrêté après le déménagement d’une des comédiennes. Ce fut néanmoins de belles aventures.
Crédits photos :
Diffusions et reproductions formellement interdites.
Photo de couverture, Juillet 2018. Le Crime de l’Orient Express. Théâtre de l’Astronef. Un Pied en Coulisses. Mise en scène Cathy Ruiz.
Toutes les autres photographies ont été prises au Théâtre Le Petit Merlan, Marseille 13013 entre 2005 et 2007.
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